Variations sur des princesses captives ou enchantées : Liebeskind, Schikaneder, Goethe, Hoffmann
Résumé
Certaines œuvres d’E. T. A. Hoffmann ont essaimé auprès d’un assez large public contemporain, popularisées par le cinéma ou diffusées par les programmes scolaires. C’est notamment le cas de Casse-Noisette et du Vase d’or. Les deux textes mettent en scène des princesses à délivrer d’une malédiction, motif partagé avec de nombreux contes populaires européens. Cet argument narratif a certainement contribué à leur succès durable en raison de son universalité, mais aussi grâce à la marque singulière imprimée chaque fois par l’auteur, dans des recompositions assez riches et originales pour nourrir de multiples relectures ultérieures. Pour étudier la manière dont Hoffmann s’approprie et travaille la figure de la princesse ensorcelée ou captive, un retour vers les références les plus pertinentes est nécessaire avant d’examiner comment l’écrivain réagence action et personnages et comment on peut interpréter ses choix.
Cette contribution commencera donc par rappeler que le motif de la princesse à sauver circule dans le contexte des Lumières, en revenant en particulier vers ces deux exemples très célèbres, et souvent cités comme source d’inspiration pour Le Vase d’Or, que sont La Flûte enchantée de Mozart et le Conte de Goethe. Nous examinerons ensuite comment Hoffmann réinterprète la constellation des personnages dans son « conte des temps modernes » et comment le motif central se complexifie dans les jeux d’enchâssements narratifs du Casse-Noisette, qui le transforment en révisant les rôles, puisque le sauveur semble avoir lui-même besoin de l’aide que lui apporte une petite fille pour pouvoir accomplir sa tâche. Réexaminer dans ce cadre élargi des rapports d’intertextualité souvent saisis de manière plus ponctuelle – comme ceux bien connus du Vase d’Or et de La Flûte enchantée – permet de repérer les éléments caractéristiques d’un basculement entre Lumières et Romantisme, mais aussi de faire apparaître une conception toujours plus féminisée de l’initiation.