Divine creation and the naturalization of the social order in the 13th-15th centuries: the visual and textual exegesis of Genesis in the 'Bibles moralisées'.
Création divine et naturalisation de l’ordre social aux XIIIe-XVe siècles : l’exégèse visuelle et textuelle de la Genèse dans les Bibles moralisées
Résumé
"Ce que Dex garnist la mer de diverses manieres de poissons senefie Iesu Crist qi garni le munde de diverses manieres de genz": this is how the French Bible moralization produced for King Philippe Auguste, circa 1220-1223 (Vienne, Österreische Nationalbibliothek, Codex Vidobonensis 2554, fol. 1v), interprets one of the episodes from Creation (Gn 1:21). The textual exegesis is complemented by a visual exegesis in the form of an illuminated medallion showing the world, represented in the manner of a mappa mundi, populated by four individuals, each representing a human category: a knight, a butcher, a money-changer and a schoolmaster. This example perfectly illustrates one of the claims of moralized Bibles: to distinguish, name and represent the different components of medieval society, to found a social taxonomy using the historical biblical matrix. In this scholarly exegesis, intended exclusively for princes, the Book of Genesis gives rise to a homology between divine creation and a naturalized social order: each category of nature (water, sky), animal (fish, mares, birds, reptiles) or vegetable (fruit trees) corresponds to a category of man. This paper will examine the way in which theologians, through these various moralized Bibles - from those of the first quarter of the 13th century, preserved in Vienna, to the Bible of John the Fearless, dating from the early years of the 15th century - provided sovereign and princely powers with an exegesis of the Book of Genesis that founded an ordered and naturalized vision of a dominated social order.
« Ce que Dex garnist la mer de diverses manieres de poissons senefie Iesu Crist qi garni le munde de diverses manieres de genz » : c’est ainsi que la moralisation de la Bible française réalisée pour le roi Philippe Auguste, vers 1220-1223 (Vienne, Österreische Nationalbibliothek, Codex Vidobonensis 2554, fol. 1v), interprète l’un des épisodes de la Création (Gn 1,21). À l’exégèse textuelle s’ajoute une exégèse visuelle en un médaillon enluminé qui montre le monde, représenté à la manière d’une mappa mundi, peuplé de quatre individus représentant chacun une catégorie humaine : un chevalier, un boucher, un changeur et un maître d’école. Cet exemple illustre parfaitement ce que fut l’une des prétentions des Bibles moralisées : distinguer, nommer et représenter les différentes composantes de la société médiévale, fonder une taxinomie sociale en usant de la matrice historique biblique. Dans cette exégèse savante exclusivement destinée aux princes, le livre de la Genèse donne lieu à l’exposition d’une homologie entre la Création divine et celle d’un ordre social naturalisé : à chaque catégorie de la nature (eau, ciel), d’animaux (poissons, juments, oiseaux, reptiles) ou de végétaux (arbres fruitiers) correspond une catégorie d’hommes. Il sera donc question, dans cette communication, d’examiner la façon dont les théologiens, par le biais de ces différentes Bibles moralisées – depuis celles du premier quart du XIIIe siècle, conservées à Vienne, jusqu’à la Bible dite « de Jean sans Peur », datant des premières années du XVe siècle –, ont livré aux pouvoirs souverains et princiers une exégèse du livre de la Genèse fondant une vision ordonnancée et naturalisée d’un ordre social dominé.
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